Après deux 24 heures en assistance de mon copain Jean-Philippe, j’ai eu envie de passer du côté des coureurs et devenir circadien!
La plupart des coureurs hors stade petites distances (disons jusqu’au marathon) doivent penser que ce monde est un univers de fous ! Pourquoi pas mais chacun son plaisir.
Après avoir donc passé quelques années du côté du court, mon avenir de coureur se polarisera très certainement vers du très long.
Qu’est ce qui m’attire ? Une approche très différente de la course à pied, où la compétition se résume presque à se prouver que l’on peut le faire et trouver les motivations qui vont font avancer pendant de très longues heures, de jour comme de nuit.
Bref, après un premier 100km réussi du côté de Belves en avril 2013, je profite des championnats de France de 24 heures à Grenoble pour m’inscrire. Pari fou très certainement...
Pas de préparation spécifique pour ce double tour de l’horloge, juste quelques sorties relativement longue (2 heures) et même pas de ballade de nuit. Pas d’assistance non plus au bord du circuit de 1051,18 mètres mais je sais qu’en mettant mes affaires à côté des copains, je pourrai demander de temps en temps un verre de liquide.
J’ai pris uniquement quelques tucs et des bouteilles de Vichy : le reste du ravitaillement se passera hors zone officielle.
Pas ou peu de stress quand je pars vendredi en train, un peu quand même quand j’arrive et que je vois certains membres de l’équipe de France femmes et hommes (j’en connais pas mal.) Nuit peu reposante.
Samedi matin, c’est un peu la pagaille pour s’installer : le nombre de places est limité et il faut se débrouiller comme on peut pour trouver une petite place. Je suis à côté de mes amis Stéphanie (aux portes de l’équipe de France et qui abandonnera trop rapidement sur blessure), son frère Frédéric (Tot) qui voudrait bien dépasser les 200km (il fera presque 211 !), Sylvie Peuch (membre de l’équipe de France et qui terminera seconde à moins de 400 mètres de la première !) et Thierry (Titi) Douriez (membre de l’équipe de France.)
Après les consignes de l’organisation et de la FFA (pas de ravitaillement hors zone, port du maillot du club au départ et à l’arrivée, interdiction pour les coureurs d’aller dormir hors zone réservée, ....) le départ est donné sous une petite pluie qui va devenir battante plus tard, rendant le parcours boueux à certaines endroits avec des flaques d’eau énormes à d’autres. Les vêtements sont trempés, les chaussures pleines d’eau !
Le temps se calme ensuite et à part quelques gouttes jusqu’à la nuit, les conditions deviennent bonnes, presque chaudes à la tombée du jour. Et tout le reste du temps, ce sera parfait. Ouf !
Le circuit permet sans trop de problème de canaliser les coureurs et chacun fait bien attention à celles et à ceux qui courent bien plus vite pour leur laisser la place.
J’encourage les grosses pointures et les amis. Il y a presque tout le temps soit un merci, soit un petit geste. C’est sympa !
Sur la base de mon 100km que j’avais fait en un peu moins de 12 heures, j’estime que je peux faire 150 km.
C’est modeste je le sais mais il peut arriver plein de choses pendant 24 heures : un caillou dans la chaussure, un pied qui se dérobe, le coin dodo bien chaud qui vous appelle, ...
Ce que je voulais surtout, c’est ne pas être tenté par un repos : on se dit que ce sera pour 1 heure et on y passe la nuit ! De ce côté, tout s’est bien passé : le duvet acheté dernièrement n’a pas été utilisé. C’est une première victoire.
Ma stratégie est de marcher 1 minute tous les 2 tours (tout en me ravitaillant), puis 1 minute à chaque tour et ensuite on verra bien.
J’ai donc appliqué à la lettre cette consigne.
Il me semble que j’ai commencé à marcher tous les tours vers le 30ème km puis un peu plus (environ 50% du parcours vers le 70ème et ensuite j’ai marché tout le temps à partir du 110ème km.
Pas trop de problème de digestion et je pense que l’eau pétillante est au top pour moi.
Quelques bananes, tucs, chocolat, raisins, oranges, gruyère, savamment choisi. Pas mal de coca qui vont me permettre d’éliminer 2 fois par la bouche le trop plein ! Etre prévoyant avant que les ennuis arrivent : seconde victoire !
Purées, soupes et pâtes.
Et donc je tourne toujours et toujours. Pas de lassitude, pas ou peu de douleurs. Je sens bien les mollets de plus en plus durs mais j’ai l’habitude. Je cours avec des chaussettes de compression que je laisserai en bas des mollets après le premier massage (quel bonheur) !
La nuit arrive. Mon premier objectif est de passer les 100km en 15 heures mais je sais déjà que je mettrais moins de temps. Je les passe donc en tout juste 13 heures !
Me reste donc 11 heures pour faire 50 km : ce n’est pas insurmontable même en marchant, encore faut-il que ce soit possible.
La nuit passe tranquillement et je vérifie à chaque passage sur la ligne mon temps au tour : moins de 10mn, soit plus que 6km/h : parfait. Je regarde mon classement mais pas très important.
Les premières lueurs du matin arrivent et beaucoup de monde continue à tourner.
Le compteur monte et je marche toujours d’un bon pas.
Je n’essaie même pas de courir et pourtant à un moment je propose à Christine (qui va devenir championne de France) d’être son meneur d’allure pendant quelques tours (2 il me semble) et elle accepte car elle sait que la première est 2 tours devant et elle voudrait au moins se dédoubler 1 fois. On y arrive sans trop de peine. Cela la booste et très rapidement elle va prendre la tête de la course : je l’entends encore crier de joie quand son entraîneur et ami lui dit.
A 140 km, cela devient dur et je décide d’aller faire une seconde pause au massage. Je retrouve des forces musculaires et repars. Je sais que je vais atteindre sans problème les 150km et les larmes me viennent.
Je tourne depuis moins de 22 heures quand je passe les 150km. On immortalise le chrono, je termine le tour et je dis STOP !
Je m’assois et je vais attendre que les minutes s’écoulent. Je partirai à la fin pour passer la ligne (c’est obligatoire si l’on veut être classé) !
Le champion du monde Manu vient me voir et gentiment me demande de continuer. Le gentil mari de Stéphanie aussi : ne pas continuer et je le regretterai longtemps. J’ai beau inventer toutes les douleurs du monde, rien n’y fait, je dois repartir. Je suis même content de le faire et je suis encouragé par beaucoup de monde.
Incroyable, les douleurs ont disparu !
Je calcule vite fait le temps qu’il me reste avant la fin et à 6km/h, il serait même possible d’atteindre les 160km.
On me demande sur le circuit où j’en suis, je l’indique, on me félicite et seconde montée de larmes.
Pendant la dernière heure et à chaque passage au niveau de la zone de ravitaillement officielle, toujours des encouragements.
Ne pas baisser les bras/jambes et continuer, toujours en marchant bien sur. J’ai essayé mais pas assez longtemps pour repartir en trottinant.
Pour le dernier tour, je sais qu’il faut faire environ 370 mètres pour atteindre les 160km. Ce sera juste quand même. Je regarde ma montre (je n’ai fonctionné au Garmin que pendant 2 heures) et je passe à 9h55mn sur la ligne.
On m’appelle pour me demander de faire le lièvre à la seconde (Sylvie) qui se trouve à moins d’un tour de Christine et je trouve les ressources pour courir, trop vite pour elle. On reprend du temps, on la voit juste devant mais ce ne sera pas suffisant (il manquera 359 mètres : après coup, cela aurait été quand même pas très sport) !
Au coup de sifflet, je stoppe, je pose mon dossard, mon bâton avec mon numéro et ma puce et je rejoins la zone pour prendre mes affaires et aller me doucher !
Pour info, 25 coureurs licenciés ont dépassé les 200km : 4 filles et 21 gars !
Le premier (qui n’avait jamais fait de 24 heures) atteint 255,872km et rentre en équipe de France. Le second (et champion en titre) termine à un peu plus d’un tour. Il ne manquait pas grand-chose non plus.
C’était une sacrée belle bagage : pour le classement général mais surtout pour le dépassement de soi.
Quand j’écris ce CR, la course est terminée depuis moins de 2 jours.
Le retour a été dur dimanche et l’attente longue à Grenoble avant de prendre le train. Pas pu changer mon billet pour rentrer plus tôt.
Au niveau musculaire, le haut des cuisses est assez douloureux mais j’arrive presque à plier entièrement les jambes.
Une mini ampoule au pied gauche, due à un grain de sable.
Un orteil au pied droit éclaté et œdème moyen au même pied.
Je n’ai rien senti pendant la course et jamais changé de chaussettes ni de chaussures.
Ne compter pas me voir courir avant 15 jours quand même : peut-être 20mn quand même en fin de semaine !
Un grand merci à Piero et toute son organisation pour ces 24 heures.
La plupart des coureurs hors stade petites distances (disons jusqu’au marathon) doivent penser que ce monde est un univers de fous ! Pourquoi pas mais chacun son plaisir.
Après avoir donc passé quelques années du côté du court, mon avenir de coureur se polarisera très certainement vers du très long.
Qu’est ce qui m’attire ? Une approche très différente de la course à pied, où la compétition se résume presque à se prouver que l’on peut le faire et trouver les motivations qui vont font avancer pendant de très longues heures, de jour comme de nuit.
Bref, après un premier 100km réussi du côté de Belves en avril 2013, je profite des championnats de France de 24 heures à Grenoble pour m’inscrire. Pari fou très certainement...
Pas de préparation spécifique pour ce double tour de l’horloge, juste quelques sorties relativement longue (2 heures) et même pas de ballade de nuit. Pas d’assistance non plus au bord du circuit de 1051,18 mètres mais je sais qu’en mettant mes affaires à côté des copains, je pourrai demander de temps en temps un verre de liquide.
J’ai pris uniquement quelques tucs et des bouteilles de Vichy : le reste du ravitaillement se passera hors zone officielle.
Pas ou peu de stress quand je pars vendredi en train, un peu quand même quand j’arrive et que je vois certains membres de l’équipe de France femmes et hommes (j’en connais pas mal.) Nuit peu reposante.
Samedi matin, c’est un peu la pagaille pour s’installer : le nombre de places est limité et il faut se débrouiller comme on peut pour trouver une petite place. Je suis à côté de mes amis Stéphanie (aux portes de l’équipe de France et qui abandonnera trop rapidement sur blessure), son frère Frédéric (Tot) qui voudrait bien dépasser les 200km (il fera presque 211 !), Sylvie Peuch (membre de l’équipe de France et qui terminera seconde à moins de 400 mètres de la première !) et Thierry (Titi) Douriez (membre de l’équipe de France.)
Après les consignes de l’organisation et de la FFA (pas de ravitaillement hors zone, port du maillot du club au départ et à l’arrivée, interdiction pour les coureurs d’aller dormir hors zone réservée, ....) le départ est donné sous une petite pluie qui va devenir battante plus tard, rendant le parcours boueux à certaines endroits avec des flaques d’eau énormes à d’autres. Les vêtements sont trempés, les chaussures pleines d’eau !
Le temps se calme ensuite et à part quelques gouttes jusqu’à la nuit, les conditions deviennent bonnes, presque chaudes à la tombée du jour. Et tout le reste du temps, ce sera parfait. Ouf !
Le circuit permet sans trop de problème de canaliser les coureurs et chacun fait bien attention à celles et à ceux qui courent bien plus vite pour leur laisser la place.
J’encourage les grosses pointures et les amis. Il y a presque tout le temps soit un merci, soit un petit geste. C’est sympa !
Sur la base de mon 100km que j’avais fait en un peu moins de 12 heures, j’estime que je peux faire 150 km.
C’est modeste je le sais mais il peut arriver plein de choses pendant 24 heures : un caillou dans la chaussure, un pied qui se dérobe, le coin dodo bien chaud qui vous appelle, ...
Ce que je voulais surtout, c’est ne pas être tenté par un repos : on se dit que ce sera pour 1 heure et on y passe la nuit ! De ce côté, tout s’est bien passé : le duvet acheté dernièrement n’a pas été utilisé. C’est une première victoire.
Ma stratégie est de marcher 1 minute tous les 2 tours (tout en me ravitaillant), puis 1 minute à chaque tour et ensuite on verra bien.
J’ai donc appliqué à la lettre cette consigne.
Il me semble que j’ai commencé à marcher tous les tours vers le 30ème km puis un peu plus (environ 50% du parcours vers le 70ème et ensuite j’ai marché tout le temps à partir du 110ème km.
Pas trop de problème de digestion et je pense que l’eau pétillante est au top pour moi.
Quelques bananes, tucs, chocolat, raisins, oranges, gruyère, savamment choisi. Pas mal de coca qui vont me permettre d’éliminer 2 fois par la bouche le trop plein ! Etre prévoyant avant que les ennuis arrivent : seconde victoire !
Purées, soupes et pâtes.
Et donc je tourne toujours et toujours. Pas de lassitude, pas ou peu de douleurs. Je sens bien les mollets de plus en plus durs mais j’ai l’habitude. Je cours avec des chaussettes de compression que je laisserai en bas des mollets après le premier massage (quel bonheur) !
La nuit arrive. Mon premier objectif est de passer les 100km en 15 heures mais je sais déjà que je mettrais moins de temps. Je les passe donc en tout juste 13 heures !
Me reste donc 11 heures pour faire 50 km : ce n’est pas insurmontable même en marchant, encore faut-il que ce soit possible.
La nuit passe tranquillement et je vérifie à chaque passage sur la ligne mon temps au tour : moins de 10mn, soit plus que 6km/h : parfait. Je regarde mon classement mais pas très important.
Les premières lueurs du matin arrivent et beaucoup de monde continue à tourner.
Le compteur monte et je marche toujours d’un bon pas.
Je n’essaie même pas de courir et pourtant à un moment je propose à Christine (qui va devenir championne de France) d’être son meneur d’allure pendant quelques tours (2 il me semble) et elle accepte car elle sait que la première est 2 tours devant et elle voudrait au moins se dédoubler 1 fois. On y arrive sans trop de peine. Cela la booste et très rapidement elle va prendre la tête de la course : je l’entends encore crier de joie quand son entraîneur et ami lui dit.
A 140 km, cela devient dur et je décide d’aller faire une seconde pause au massage. Je retrouve des forces musculaires et repars. Je sais que je vais atteindre sans problème les 150km et les larmes me viennent.
Je tourne depuis moins de 22 heures quand je passe les 150km. On immortalise le chrono, je termine le tour et je dis STOP !
Je m’assois et je vais attendre que les minutes s’écoulent. Je partirai à la fin pour passer la ligne (c’est obligatoire si l’on veut être classé) !
Le champion du monde Manu vient me voir et gentiment me demande de continuer. Le gentil mari de Stéphanie aussi : ne pas continuer et je le regretterai longtemps. J’ai beau inventer toutes les douleurs du monde, rien n’y fait, je dois repartir. Je suis même content de le faire et je suis encouragé par beaucoup de monde.
Incroyable, les douleurs ont disparu !
Je calcule vite fait le temps qu’il me reste avant la fin et à 6km/h, il serait même possible d’atteindre les 160km.
On me demande sur le circuit où j’en suis, je l’indique, on me félicite et seconde montée de larmes.
Pendant la dernière heure et à chaque passage au niveau de la zone de ravitaillement officielle, toujours des encouragements.
Ne pas baisser les bras/jambes et continuer, toujours en marchant bien sur. J’ai essayé mais pas assez longtemps pour repartir en trottinant.
Pour le dernier tour, je sais qu’il faut faire environ 370 mètres pour atteindre les 160km. Ce sera juste quand même. Je regarde ma montre (je n’ai fonctionné au Garmin que pendant 2 heures) et je passe à 9h55mn sur la ligne.
On m’appelle pour me demander de faire le lièvre à la seconde (Sylvie) qui se trouve à moins d’un tour de Christine et je trouve les ressources pour courir, trop vite pour elle. On reprend du temps, on la voit juste devant mais ce ne sera pas suffisant (il manquera 359 mètres : après coup, cela aurait été quand même pas très sport) !
Au coup de sifflet, je stoppe, je pose mon dossard, mon bâton avec mon numéro et ma puce et je rejoins la zone pour prendre mes affaires et aller me doucher !
Pour info, 25 coureurs licenciés ont dépassé les 200km : 4 filles et 21 gars !
Le premier (qui n’avait jamais fait de 24 heures) atteint 255,872km et rentre en équipe de France. Le second (et champion en titre) termine à un peu plus d’un tour. Il ne manquait pas grand-chose non plus.
C’était une sacrée belle bagage : pour le classement général mais surtout pour le dépassement de soi.
Quand j’écris ce CR, la course est terminée depuis moins de 2 jours.
Le retour a été dur dimanche et l’attente longue à Grenoble avant de prendre le train. Pas pu changer mon billet pour rentrer plus tôt.
Au niveau musculaire, le haut des cuisses est assez douloureux mais j’arrive presque à plier entièrement les jambes.
Une mini ampoule au pied gauche, due à un grain de sable.
Un orteil au pied droit éclaté et œdème moyen au même pied.
Je n’ai rien senti pendant la course et jamais changé de chaussettes ni de chaussures.
Ne compter pas me voir courir avant 15 jours quand même : peut-être 20mn quand même en fin de semaine !
Un grand merci à Piero et toute son organisation pour ces 24 heures.